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20 juillet 2020

Laudato Si’ sous le regard d’un biologiste

Bernard Hudon est biologiste et jésuite. Son amour et son engagement en faveur de l’environnement l’animent depuis longtemps. Dans cette entrevue, il livre ses perspectives sur l’impact de l’encyclique Laudato Si’ et ce qu’il faut mettre en œuvre pour accomplir la vision d’une écologie intégrale.

1. Comment votre regard sur l’environnement a-t-il évolué ?

Mon goût pour la nature s’est développé grâce au scoutisme dans ma jeunesse et s’est approfondi par mon implication comme moniteur scout. En 1989, j’étais professeur dans une école de foresterie à Québec lorsque j’ai pris connaissance du rapport Brundtland intitulé « Notre avenir à tous ». Ce document de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement dessinait un ensemble de changements et de coopération à l’échelle internationale. On y liait les problèmes sociaux et environnementaux de la même façon que Laudato Si’ relie la clameur de la Terre et celle des pauvres.

En parallèle, je faisais un cheminement religieux et je suis entré chez les Jésuites. Quand l’encyclique Laudato Si’ est sortie, j’ai commencé à animer des sessions pour l’approfondir (voir le guide de lecture français du Jesuit Forum). Pendant ma régence (un stage entre la philosophie et la théologie durant la formation jésuite), j’ai été responsable d’un sous-comité de la CRC sur l’environnement et la justice sociale au Québec. Nous avions notamment organisé une session d’une semaine sur les problèmes environnementaux, et participé à des commissions parlementaires.

2. Comment voyez-vous la réception de Laudato Si’, cinq ans plus tard ?

L’encyclique a donné un nouvel élan à l’action des communautés religieuses. La crise environnementale est fondamentale et ça prend un mouvement de masse pour faire advenir le changement.

Les Franciscains sont impliqués à l’ONU et portent la question environnementale depuis leur fondation. L’encyclique a une vocation œcuménique et elle engage le monde entier. Le pape a mis l’écologie au cœur du bien commun avec le concept de l’écologie intégrale. En ce sens, Laudato Si’ est une encyclique sociale et non juste environnementale. L’encyclique s’intéresse préférentiellement aux populations pauvres et marginalisées qui ressentent en premier les changements climatiques.

3. Qu’est-ce qui se dessine chez les Jésuites en ce cinquième anniversaire de l’encyclique ?

Un discernement vécu dans la Compagnie de Jésus à travers le monde a donné lieu aux « Préférences apostoliques universelles ». L’écologie intégrale en fait partie : « Travailler avec d’autres pour la sauvegarde de notre Maison commune ». Un comité sur l’écologie réfléchira au déploiement de cette orientation au Canada. L’an prochain, nous tiendrons une retraite provinciale à Sudbury, en Ontario, une ville en revitalisation après une lourde pollution minière. On veut aussi lancer des audits environnementaux dans nos plus grandes maisons canadiennes, et chaque communauté sera invitée à réfléchir à ses engagements écologiques.

4. Décrivez-nous l’activité d’éveil à la spiritualité de l’environnement que vous proposez.

C’est une fin de semaine où les sciences naturelles conduisent à la contemplation. Je présente les grands enjeux environnementaux, puis des notions d’astronomie et d’astrophysique. On passe ensuite à l’infiniment petit en étudiant l’écosystème d’un lac. Le poumon de la Terre n’est pas l’Amazonie, mais plutôt le phytoplancton qui produit les deux-tiers de l’oxygène, vu la grandeur des océans. Une excursion commentée sur la botanique mène à une initiation à la contemplation ignatienne, et une action de grâce conclut l’activité.

5. À quoi être attentif dans la transition énergétique ?

Il faut quitter l’industrie du pétrole, veiller à la transition des travailleurs de ce secteur et valoriser les énergies renouvelables. La lutte aux changements climatiques est loin d’être gagnée. C’est crucial pour l’humanité. La Terre peut survivre, mais pas nous.

Comme chrétiens, nous devons nous mobiliser avec une dose d’espérance. 2050, c’est bientôt. La température moyenne du globe a déjà augmenté d’un degré. Si ça dépasse deux degrés on aura atteint le seuil critique. Notre contemplation doit nourrir l’action, avec urgence et espérance.

Frère Bernard Hudon, SJ

Cet entretien est extrait du webzine ad vitam de l’été 2020 « Laudato Si’ : Prendre soin de la Création pour les futures générations ».