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20 mars 2020

Quand mission rime avec communion

Ces dernières décennies, les documents ecclésiaux ont fait une place significative à la réalité de la communion. Ils nous invitent non seulement à vivre en communion avec Dieu et le prochain, mais aussi avec toute la création. Dans le déploiement de cette ecclésiologie de communion, on parle notamment d’une « communion missionnaire » ou encore d’une « communion évangélisatrice », mettant ainsi en lumière le lien intime qui existe entre la communion et la mission (Evangelii Gaudium nos 23, 31, 130).

Sans être une réalité nouvelle, l’amalgame de ces termes est particulièrement révélateur ! S’il évoque spontanément l’impact missionnaire de la communion (cf. Jn 13, 35), il interpelle également à redécouvrir la mission sous l’angle de la communion. Dans cette perspective, il est intéressant de réentendre les mots de la première lettre de Jean : « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, à vous aussi, afin que vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Et notre communion est communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ » (1 Jn 1, 3).

À travers ces lignes, l’auteur de la première lettre de Jean suggère que l’activité missionnaire est un processus qui vise à faire surgir la communion. Pour le dire autrement, l’appel de notre baptême à être disciple-missionnaire constitue fondamentalement une invitation à mettre notre vie au service de la communion.

Des personnes « expertes en communion »

Il y a déjà quelques années, le pape Jean-Paul II proposait une expression pour le moins étonnante au sujet de la communion. Dans l’exhortation apostolique Vita consecrata (VC), il écrivait : « Aux personnes consacrées, il est demandé d’être vraiment expertes en communion et d’en pratiquer la spiritualité » (VC n° 46). Le qualificatif « expertes » utilisé par le pape a de quoi faire sourire les principales personnes intéressées ! En effet, il n’est pas besoin d’avoir une longue expérience de la vie consacrée pour savoir que la communion nécessite une mise à jour constante ! Serait-ce donc, dans ce cas, une exagération rhétorique ?

Le don de la communion

Au-delà de la qualité – en devenir – de nos personnes et de nos congrégations, il est utile de se rappeler que la communion est d’abord un don. Elle est, plus précisément, un don trinitaire. En effet, outre la grâce d’avoir « été créés à l’image de la communion divine » (Evangelii Gaudium n° 178), il nous a été donné, par le baptême, d’être introduits dans cette vie de communion qui est celle du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. C’est ce que saint Paul nous remémore, sous forme de souhait, au terme de sa deuxième lettre aux Corinthiens : « Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint Esprit soient avec vous tous » (2 Co 13, 13). Dans ce passage, Paul fait une place de choix à l’Esprit Saint en regard de la communion. Il le présente, pour ainsi dire, comme l’artisan principal. N’est-ce pas là une interpellation à adresser une prière renouvelée à l’Esprit, pour accueillir avec une conscience toujours plus vive l’héritage reçu à notre baptême et en être de vivants témoins ? Car ce que nous avons à offrir c’est justement ce qui nous a été donné. D’ailleurs, les vœux d’obéissance, de chasteté et de pauvreté que nous avons prononcés s’inscrivent dans cette logique de faire fructifier le don de la communion, en sa triple dimension : avec Dieu, le prochain et toute la création.

La communion comme style de vie

Parler de « communion missionnaire », ce n’est donc pas uniquement aspirer à travailler en équipe ! Il s’agit, essentiellement, d’un style de vie, d’une spiritualité. Comme le rappelle le pape François, « la personne humaine grandit, […] mûrit et […] se sanctifie à mesure qu’elle entre en relation [et] sort d’elle-même pour vivre en communion avec Dieu, avec les autres et avec toutes les créatures. Elle assume ainsi dans sa propre existence ce dynamisme trinitaire que Dieu a imprimé en elle depuis sa création » (Laudato Si’ n° 240).

Faire de la communion le paradigme de notre quotidien conduit donc à manifester, dans l’aujourd’hui de ce monde, la beauté du mystère de la Trinité. Selon cette optique, la mission concerne toutes les réalités de la vie. Plus encore, elle dure toute la vie ! Car la communion n’est pas simplement un objectif final à atteindre. Elle est une route à parcourir, un processus qui nous met en acte à cœur de jour.

En somme, vivre la « communion missionnaire », ne serait-ce pas une invitation à envisager la sainteté moins sur un mode de perfection que sur un mode de communion ? N’est-ce pas notamment en ce sens que le pape parle d’un « tournant » ou d’une « conversion missionnaire » (Evangelii Gaudium nos 25, 30) ? Comme l’affirme Benoît XVI, la communion est « la finalité propre de l’annonce de l’Évangile, la finalité de la conversion au christianisme1 ».

Lors de la rencontre de l’Union Internationale des Supérieures Générales de mai 2019, S. Teresa Maya soulignait que « L’espérance est le don de la communion ». C’est cette grande espérance que le Christ a fait éclater à la dernière Cène et qu’il vient renouveler en nous à chaque Eucharistie. Forts de la présence agissante du Ressuscité, osons construire des ponts, selon nos charismes et les inspirations de l’Esprit. Demandons la grâce de ne pas nous dérober devant le défi d’être des missionnaires de la communion.

1 Benoît XVI, Le don de la communion, Audience générale du 29 mars 2006.

Nathalie Roberge, OP

Ce texte est extrait du webzine ad vitam de l’hiver 2020 « Une communion qui engendre la mission ».