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18 décembre 2019

Guérir l’Église : diagnostic d’une religieuse

Nuala Kenny, sœur de la Charité d’Halifax, est pédiatre et professeure émérite. Membre du comité épiscopal canadien ayant rédigé le premier protocole de prévention au monde, elle n’hésite pas à qualifier la crise de pathologique. Avec David Deane, théologien, Sr Nuala Kenny analyse les causes systémiques ecclésiales des abus sexuels, et appelle à la guérison par une gouvernance transformée et un renouveau spirituel dans son livre intitulé Still Unhealed.

1. Vous travaillez dans le domaine des politiques et de la prévention des abus sexuels depuis les années 1980. Votre expérience médicale en tant que pédiatre vous confère un regard unique sur la crise. Les abus sont le symptôme d’un mal plus profond. Quel diagnostic faites-vous ? Quels sont les composantes de cette « maladie » ?

2. En 2012, vous avez publié Healing the Church. Diagnosing and Treating the Clergy Sexual Abuse Scandal (Novalis). Sept ans plus tard, vous venez de publier Still Unhealed (pas encore guéri), où vous parlez d’une « pathologie » plutôt que d’un « scandale » au coeur de la crise des abus sexuels. Qu’est-ce qui a provoqué ce changement de perspective ?

3. Lorsque nous parlons de l’Église comme d’un seul Corps, il est facile de comprendre comment tous les membres du corps ecclésial sont blessés par la crise des abus sexuels : les victimes en tout premier lieu, enfants et adultes vulnérables, le clergé non-offenseur, et les personnes laïques qui vivent une lassitude vis-à-vis la crise ainsi qu’une fatigue de compassion. Toutefois, dans sa Lettre au peuple de Dieu, en août 2018, le pape François appelle tous les baptisés à la responsabilité dans cette crise et à la transformation de l’Église. Comment comprenez-vous cela ?

4. Dans les communautés religieuses, plusieurs frères et soeurs doivent vivre avec les conséquences légales, financières et spirituelles des abus sexuels commis par des membres de leurs communautés, parfois décédés. Leur propre mission dans la vie consacrée se trouve ternie par ces scandales. Que diriez-vous à ces religieux et religieuses, ainsi qu’à leurs leaders, afin de faire face à cette réalité, et avancer dans l’espérance ? Quel rôle particulier peuvent jouer les communautés religieuses pour guérir l’Église ?

5. Lorsqu’un médecin pose un diagnostic et recommande une prescription ou un traitement, le patient ainsi que son environnement doivent être pris en compte, surtout si l’environnement provoque ou aggrave la maladie. La conversion et la transformation doivent s’opérer à différents niveaux : personnel, paroissial, diocésain, communautaire, épiscopal, universel (Vatican). Quelles sont les priorités, selon vous, et qui doit assurer le leadership dans cette responsabilisation ?

6. Que diriez-vous à la nouvelle génération de leaders catholiques, qu’il s’agisse de prêtres, d’évêques, de personnes de vie consacrée, ou de personnes laïques ?

Dans la continuité de son livre, Sr Nuala Kenny a récemment mis en ligne un site Internet (en anglais seulement) permettant le partage d’initiatives et de ressources afin de contribuer à la guérison des abus, tant pour les victimes que pour l’Église : www.stillunhealed.ca.

Cette entrevue est extraite du webzine ad vitam de l’automne 2019 « Abus en Église : entre crise et espérance ».