Notre Église est plongée dans une véritable crise depuis que nous avons pris conscience de |’ampleur des abus sexuels commis sur des personnes mineures par des prêtres, des évêques et des diacres ou d’autres personnes ayant reçu une mission ecclésiale.
Cette prise de conscience s’étend aussi à des personnes vulnérables, adultes, en particulier des religieuses abusées par des prêtres et mal protégées par leurs supérieures.
Péchés dévoilés au grand jour, crimes insupportables, scandales qui blessent tous les membres de l’Église – en premier lieu les victimes – et nos sociétés qui attendent mieux de la religion. Ces abus manifestent aussi un dysfonctionnement dans la gouvernance de notre Église et dans l’exercice du ministère de direction exercé par les ministres ordonnés. Ces crimes sont des abus de pouvoir, des abus de confiance ou des abus de conscience, et leur dissimulation n’est pas le moindre aspect du scandale.
Ces faits sont connus par plusieurs responsables depuis quelques décennies, mais leur ampleur a été portée à la connaissance de la plupart d’entre nous au cours des toutes dernières années, avec une intensité qui nous a ébranlés. Cette faillite morale, nous ne pouvons pas nous en décharger en considérant qu’elle est le fait d’une partie seulement de nos frères, mais nous devons reconnaître que nous y avons une part et que nous sommes engagés dans un travail de conversion, de redressement et de transformation.
De la conscience à la responsabilité
Les évêques et les Églises locales doivent se détourner du déni et du silence pour trouver le moyen de placer les victimes en premier et de manifester concrètement de la compassion à leur égard, par l’accueil, l’écoute et l’accompagnement vers la guérison.
Au Canada, nous devons aussi prendre conscience du scandale des pensionnats autochtones, longtemps effacé de notre mémoire collective. Ce résultat d’une politique coloniale dont les institutions ecclésiales ont été complices a contribué à un génocide culturel qui a aussi favorisé des abus.
Dans notre pays, la prise de conscience remonte au début des années 1980 avec diverses affaires d’abus sexuels. L’épiscopat canadien a commencé à traiter la question en 1987 et a publié en 1992 le document De la souffrance a l’espérance comportant des lignes de conduite et des recommandations. Il y a quelques années, la CECC (Conférence des évêques catholiques du Canada) a constitué un nouveau comité ad hoc pour mieux avancer. Le document Protection des personnes mineures contre les abus sexuels a été adopté par les évêques en septembre 2018.
Dans la foulée du Motu proprio « Vos estis lux mundi » publié le 7 mai 2019, les diocèses et les communautés religieuses disposent d’un délai d’un an pour mettre en vigueur des « dispositifs stables et facilement accessibles au public pour permettre de présenter des signalements ».
Sur le terrain diocésain
Dans l’archidiocèse de Québec, pour citer notre chantier à cet égard, nous avions établi à l’automne 2018 un groupe de travail diocésain pour la protection des personnes mineures et vulnérables, afin de créer un environnement pastoral sécuritaire, un accès plus facile pour les signalements de situations particulières, un processus efficace pour l’accueil des victimes et le traitement des allégations et, enfin, des propositions d’accompagnement respectueuses des victimes.
Nous avons mis sur pied des sessions de sensibilisation et d’information sur la question des abus sexuels à l’intention de toutes les personnes en responsabilité pastorale et de tous les intervenants ainsi que du personnel diocésain.
Il nous reste à instaurer des processus efficaces de prévention auprès de tous nos intervenants et de nos milliers de bénévoles en paroisse et dans les différents regroupements de fidèles. Nous voulons aussi nous doter d’un code d’éthique pour notre personnel pastoral et de codes de conduite pour tous les intervenants sur le terrain.
Les responsables de formation presbytérale et diaconale continuent de réviser leurs programmes de formation en regard de la question du développement de la maturité psycho-sexuelle des candidats. Nous procéderons très bientôt a la révision de notre protocole diocésain de traitement des allégations d’abus sexuels et évaluerons la facilité d’accès aux signalements et la procédure de traitement des plaintes.
Nous travaillons aussi à communiquer au public les actions que nous prenons, les politiques qui sont appliquées et les statistiques des situations traitées par le comité-conseil, afin d’améliorer la transparence.
Comme évêque et comme frère parmi les baptisés, j’espère que ces mesures concrètes aideront à prévenir d’autres situations abusives et conduiront notre Église vers des propositions de guérison, afin de renouer avec l’exigence évangélique : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25,40).
Mgr Marc Pelchat
Évêque auxiliaire, archidiocèse de Québec
Ce propos est extrait du webzine ad vitam de l’automne 2019 « Abus en Église : entre crise et espérance ».