Revenir à la liste
14 juin 2021

Fascinées par Jésus amoureux et compatissant

Fascinées par Jésus amoureux et compatissant

25 mai 2021
264 pages

ISBN : 9782897603243

Description

Le charisme est au fondement de tout institut de vie consacrée. Il crée la communauté, lui donne son identité et il s’exprime à travers la spiritualité, la mission et la forme de vie. Mais qu’en est-il de la mise en œuvre du charisme dans nos communautés ? Comment anime-t-il chacune des dimensions de notre vie religieuse ? Quelle place a-t-il dans la formation ?
Ces questions touchent tous les instituts, dont les Sœurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours. S’appuyant sur l’héritage spirituel et missionnaire transmis par les fondateurs, l’auteure approfondit le charisme de sa congrégation en fidélité à l’histoire et aux Constitutions. On y découvre la spiritualité de l’institut, le visage de sa mission et le « vivre ensemble » des membres. Les vœux sont revisités à la lumière d’un charisme de présence amoureuse et compatissante de Dieu et la formation est interrogée dans sa démarche d’intégration de ce charisme.
Jamais épuisé, jamais épuisable, le charisme s’avère une réalité dynamique se vivant dans notre humanité fragile. En chemin avec Jésus amoureux et compatissant, l’expérience du charisme témoigne de l’alliance amoureuse de Dieu avec son peuple et se révèle à la source du renouveau de la vie religieuse.

Gaétane Guillemette, sœur de Notre-Dame du Perpétuel Secours et docteure en théologie, a été membre de la commission de théologie de la Conférence religieuse canadienne (CRC). Elle anime des Chapitres d’instituts et des sessions sur la transition des communautés. Elle s’investit dans l’approfondissement du charisme de sa congrégation et partage son questionnement avec d’autres communautés.

COMMANDER LE LIVRE

Recencion, par Rick van Lier, Ph.D.

TÉLÉCHARGER LA RECENCION

Les ouvrages consacrés à la vie des communautés religieuses québécoises, ou d’ailleurs, ne manquent pas. Pour une bonne part, ces publications témoignent de l’empreinte historique que laissent ces communautés (G. Laperrière, L. Ferretti, D. Laperle, C. Foisy). D’autres s’intéressent à leur dynamisme sociologique (P.-A. Turcotte, K. Talin, M. O’Neill, R. van Lier). D’autres encore sont vouées aux théologies ainsi qu’aux spiritualités inhérentes à ce type de vie (J.-M. R. Tillard, L. Boisvert, S.-P. Arnold, G. Lespinay). Plus rares cependant sont les publications qui allient, avec compétence, ces trois perspectives. C’est la singularité du livre de Gaétane Guillemette, Fascinées par Jésus amoureux et compatissant, portant sur le charisme de la congrégation des Sœurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours (N.D.P.S.), institut religieux québécois fondé en milieu rural, à Saint-Damien-de-Buckland, en 1892.

L’auteure, elle-même membre de la congrégation, détient un doctorat en théologie. Sa thèse, fortement marquée par la sociologie, s’intéressait au « difficile passage de la décomposition à la recomposition » de la congrégation des sœurs de N.D.P.S. (Université Laval, 2003). Dans ce sillage, Gaétane Guillemette aborde dans le présent ouvrage une question aussi cruciale que vitale, à savoir si « toutes les congrégations avaient un véritable charisme ? » (p. 11). Si d’aucuns peuvent en douter, la question en tout cas s’avère provocante, surtout pour les membres concernés, au premier chef l’auteure et sa congrégation : « avions-nous un véritable charisme ? » (p. 11). Une série de questions s’ensuivent. Qu’est-ce qu’un « charisme de vie religieuse » ? Comment l’« héritage spirituel » des fondateurs s’accorde-t-il avec l’« énoncé du charisme tel que formulé dans nos Constitutions ? […] Sur quelle base biblique et théologique s’alimente notre charisme ? Comment le charisme anime-t-il toutes les dimensions de notre vie religieuse ? » (p. 11). Reconnaissant d’emblée que cet ouvrage s’adresse prioritairement aux membres de sa congrégation, la religieuse vise néanmoins un public plus large : « nous pensons aux personnes intéressées à connaître notre charisme ainsi qu’aux membres d’instituts de vie consacrée qui, comme nous, cheminent dans l’exploration et l’affermissement de leur charisme. Les interrogations soulevées et bien d’autres, écrit-elle, touchent, d’une façon ou d’une autre, un bon nombre d’entre eux. Aussi, espérons-nous que ce livre puisse les rejoindre et qu’ils y trouvent quelques fruits » (p. 12). C’est sur ce fond de scène que Guillemette développe une réflexion articulée en sept chapitres visant, in fine, « à montrer comment le charisme crée la communauté, lui donne son identité, la nourrit, l’anime et la guide sur le chemin de sa mission » (p. 13).

Le premier chapitre du livre est consacré à la notion théologique de « charisme » en lien avec la vie consacrée en général, ainsi que dans son application particulière à la vie des sœurs de N.D.P.S. D’une part, des clarifications touchant à la question du charisme de la vie consacrée, puis à celle du charisme des fondateurs, du charisme de fondation et du charisme d’une communauté s’imposent. Dans la foulée de Vatican II, puis d’Evangelica testificatio, de Paul VI, en 1971, de même de Vita consecrata, de Jean-Paul II, en 1996, la terminologie du « charisme » n’a cessé de se répandre dans les discours relatifs à la vie consacrée. Mais de quoi parle-t-on précisément ? S’inspirant d’un certain nombre théologiens, notamment de Nicolas de Boccard, Guillemette commence par étayer cette notion et à en articuler les composantes : « Vivant et agissant dans et par les membres de l’institut, écrit-elle, le charisme est projet de vie évangélique à la suite du Christ. Transmis par les fondateurs, il révèle un angle plus particulier du mystère du Christ et se concrétise dans une mission et une manière de vivre enracinée dans une histoire et une tradition particulières. Ce projet de vie du charisme s’exprime à travers ses composantes que sont la spiritualité, la mission et la forme de vie de l’institut. Sans elles, il n’existe pas » (p. 27). D’autre part, l’auteure aborde le cas spécifique de la congrégation étudiée. Après avoir évoqué la problématique entourant la place et le rôle des deux figures fondatrices de l’institut, l’abbé Joseph-Onésime Brousseau et Virginie Fournier (Mère Saint-Bernard), Guillemette rend compte de la « longue marche discernante » (p. 32) de la congrégation qui aboutit à l’« énoncé de son charisme de présence amoureuse et compatissante de Dieu » (p. 33). Le reste du parcours consistera à déployer cet énoncé et à en discuter les implications.

Le second chapitre décrit la genèse du charisme des sœurs de N.D.P.S. par le truchement de l’expérience humaine et spirituelle des deux figures fondatrices. Après avoir esquissé le portrait du « Québec à l’époque des fondateurs » (p. 48), Guillemette décrit l’évolution de ces derniers dans le contexte de la colonisation rurale du XIXe siècle. L’abbé Brousseau, décrit comme « persévérant et entièrement donné à la cause agricole et au soin des âmes » (p. 50) est un bâtisseur. Sa paroisse, érigée en 1882, est en plein développement. « Ses ambitions, écrit Guillemette, sont aussi grandes que les misères et la pauvreté du milieu. […] Comment s’occuper à la fois des pauvres vieillards et des orphelins en même temps que développer son projet agricole ? Il a besoin d’une communauté religieuse pour l’aider » (p. 51). C’est ainsi qu’il fondera, avec l’aide de Virginie Fournier, la congrégation des sœurs de N.D.P.S. dont l’esprit et la mission sont énoncés dès les premières Constitutions de 1894 : les sœurs seront la « Providence des pauvres » (p. 54). L’« œuvre matérielle » laissée par les Brousseau et Fournier, aussi importante soit-elle, ne doit toutefois pas éclipser l’« œuvre spirituelle » léguée par ces derniers (p. 54). En ce sens, la « relecture de l’histoire sainte de nos deux personnes fondatrices nous découvre leur charisme de fondateurs », affirme Guillemette (p. 14). Retraçant à grands traits leurs parcours spirituels respectifs, les deux figures fondatrices se rejoignent dans une vocation commune : « servir Dieu et les pauvres » à travers une œuvre « où se dessine […] le visage de notre charisme de présence amoureuse et compatissante de Dieu » (p. 73-74).

Le troisième chapitre met de l’avant et creuse l’originalité de la spiritualité ressortissant du charisme de la congrégation. Une originalité relative, en ce que nous retrouvons dans les écrits des deux figures fondatrices « différentes influences spirituelles, notamment celle de l’École française de spiritualité » (p. 80), mais non moins réelle, compte tenu de l’unicité de leur expérience spirituelle. « L’identité première de la congrégation s’enracine dans l’héritage spirituel légué par les fondateurs, alimenté par la tradition communautaire et traduit dans les Constitutions », écrit Guillemette (p. 79). Cette identité spirituelle, « marquée par un aspect plus particulier du visage de Dieu, de Jésus et/ou de Marie » et se révélant « dans une manière spécifique de vivre l’Évangile » (p. 77), est synthétisée par l’auteure comme une « [s]piritualité jaillie de la contemplation du visage de Dieu Providence se faisant présence d’amour et de compassion en Jésus, par Marie, au cœur du mystère pascal » (p. 97).

Le quatrième chapitre s’intéresse à « l’orientation missionnaire de l’institut » (p. 105). Cette orientation naît de la « grâce d’un double regard » tendu, d’une part, « vers le mystère du Christ » et, d’autre part, vers « les besoins de l’Église et du monde » (p. 106). Postulant la coïncidence entre la dimension spirituelle et l’orientation missionnaire issues du charisme fondateur, Guillemette montre comment la mission s’est réalisée à l’époque des fondateurs. « Saisis par la misère de leurs compatriotes », ces derniers « consacrent leur vie pour les plus démunis d’entre eux. De là germe la mission de providence et de perpétuel secours des pauvres » (p. 15). Au gré du temps, « [l]a mission de l’institut va prendre la forme des besoins du lieu et de l’époque » (p. 113). Cela se concrétisera notamment par la multiplication « d’œuvres apostoliques » (p. 113) de nature caritative, éducative, hospitalière et missionnaire. En 1960, « l’institut est à l’apogée de ses œuvres » (p. 116). Pourtant, le vent s’apprête à tourner. Les « profondes modifications du climat socioculturel et l’avènement de l’appropriation, par l’État, des secteurs de l’éducation, des soins et des services sociaux », durant les années 1970, affecteront directement une large part de la raison d’être de l’institut. « L’œuvre apostolique de l’institut est touchée. La communauté est touchée ! » (p. 116-117). S’ensuit une « longue et pénible marche de tâtonnement apostolique » (p. 122) que l’auteure situe dans une démarche plus globale de « conversion du regard quant à la mission. L’institut doit se rendre à l’évidence d’une certaine dérive, ayant situé sur le même pied mission et œuvre » (p. 119). Ne pouvant être réduit aux œuvres, le charisme missionnaire de l’institut est appelé à s’incarner autant dans le « faire » des religieuses que dans leur « manière d’être » (p. 123), et ce, partout où elles sont. Encore faut-il, pour cela, « creuser le lien intrinsèque qui existe entre mission et charisme et approfondir la dimension théologale de la mission pour en élargir le sens et embrasser toute la vie » (p. 124).

Le cinquième chapitre est consacré au troisième pôle constitutif du charisme fondateur : l’incarnation de la spiritualité et de la mission dans un « mode de vie » institué selon les règles de l’Église (p. 133). Ce mode de vie communautaire est envisagé « à partir de l’empreinte laissée par les fondateurs et par la culture congrégationnelle » (p. 134). S’appuyant sur sa thèse doctorale, Guillemette pose un regard lucide sur les « interprétations déviées » de l’héritage des fondateurs, sur les « fragilités communautaires » que cela a pu engendrer et aussi sur la nécessité pour la communauté « de rester en marche, de ne pas se fixer dans le statu quo et de demeurer en état de vigilance, de discernement et de conversion » (p. 139). Une phrase clef, adressée par la fondatrice aux sœurs, « Restons petites, effaçons-nous » (p. 134), a laissé une empreinte durable dans l’esprit de l’institut. Interprété à frais nouveaux par l’auteure, ce passage « invite à laisser le Christ prendre toute la place en nous et à le laisser agir par nous au milieu de la communauté » (p. 159). Cette perspective continue aujourd’hui de forger la communauté et de dessiner son « visage communautaire : visage empreint d’amour, de compassion, de gratuité et de joie s’exprimant dans un service généreux et effacé » (p. 164).

Les chapitres six et sept, que nous nous permettons de traiter ensemble, sont un prolongement de ce qui précède sous deux angles thématiques développés par l’auteure. Le premier angle traite du lien entre le charisme fondateur de l’institut et la manière dont sont vécus les « conseils évangéliques » dont les religieuses font profession par l’émission des vœux. Une insistance particulière est mise sur la « dimension mystique d’épouse du Christ » (p. 174), certains écrits fondateurs, ou encore les versions successives des constitutions, servant d’appui et d’illustration à cela. Le second angle traite de la formation des membres « à la suite de Jésus amoureux et compatissant » (p. 208). Passant en revue les canevas de la formation des membres depuis les origines jusqu’à Vatican II, Guillemette souligne la nécessité d’une « démarche de formation initiale et permanente » (p. 206) basée sur connaissance approfondie du charisme de l’institut et elle invite à « prendre le chemin d’une interculturalité charismatique » (p. 207) dans le contexte actuel de la congrégation.

Dans la panoplie des ouvrages consacrés à la vie des communautés religieuses, le livre de Gaétane Guillemette se singularise, écrivions-nous, par sa triple approche historique, sociologique et théologique. L’arrimage de ces trois perspectives permet de saisir l’identité des sœurs de N.D.P.S. comme un tout unifié, ce qui est particulièrement appréciable. Le cas étudié est illustratif d’un nombre considérable de congrégations religieuses apostoliques féminines nées au cours du XIXe et du XXe siècle. Répondant souvent à des besoins sociaux immédiats, ces congrégations ont, depuis l’époque du Concile, cherché à approfondir et à actualiser leur charisme fondateur dans un contexte fort différent de l’époque des origines. Certaines y sont parvenues. D’autres peinent sur ces plans. L’ouvrage de Guillemette permet de saisir, quasiment sur le métier, les efforts investis par les instituts religieux apostoliques, spécialement féminins, pour s’adapter et se renouveler dans l’esprit de Vatican II. En s’intéressant à la sève du charisme, la théologienne a réussi, à notre avis, à cerner l’essentiel de ce qui fait croître l’arbre plus que centenaire de la congrégation étudiée. Au-delà de cette dernière, ce livre constitue un modèle d’analyse qui peut être repris par d’autres instituts de vie consacrée. Il s’agit, dans tous les cas, d’un devoir de mémoire et aussi une condition de pérennité.