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29 décembre 2020

Le « 460 » : une bulle de jeunes et de religieuses

Engagée dans la congrégation des soeurs de Sainte Marie de Namur depuis 1998, Marie-Pierre Delorme a rejoint la communauté après des études en sciences (génie). Actuellement responsable de la mission du « 460 », un foyer et une aumônerie pour jeunes adultes à Ottawa (dans le prolongement de l’ancien foyer nommé « le 101 Parent »), elle livre ici ses réflexions sur les défis de la pandémie dans ce contexte et ses espérances pour le retour à un quotidien différent, mais bien incarné…

L’inspiration et la mission

J’ai été inspirée par la mission de ma congrégation notamment dans son travail auprès des jeunes. En grandissant, beaucoup de jeunes croyants vivent une solitude dans la foi, au sein d’une Église assez vieillissante, ici en Amérique du Nord. Cela a été mon cas, et j’ai voulu offrir quelque chose pour briser cet isolement. C’est ce que je fais par l’œuvre du 460.

Après le déménagement de l’ancienne maison du 101 avenue Parent, à Ottawa, nous avons repris en 2019 une maison ayant jadis été la propriété des Frères des écoles chrétiennes. C’était une joie de la remettre en fonction pour la mission auprès de la communauté étudiante et de jeunes professionnels, puisque nous sommes sur le campus de l’Université d’Ottawa. Même si l’université a un aumônier œcuménique, et qu’il y a eu une présence religieuse – notamment oblate – très forte dans le passé, et surtout avec l’Université Saint-Paul, notre œuvre permet d’offrir une expérience communautaire et des activités aux jeunes francophones, dans un contexte où la présence religieuse s’efface.

Concrètement, notre maison comporte 14 chambres. Nous sommes quatre religieuses alors nous pouvons accueillir 10 jeunes femmes pour loger ici et participer aux activités de la maisonnée. Il y a ce pôle du foyer étudiant avec son animation interne (repas partagés, temps de prière et études bibliques…), puis nous avons aussi des activités ouvertes au public. Dans ce ministère, l’important est de créer des occasions de contact avec des jeunes, par des activités, puis s’ils ont envie de poursuivre ce lien avec nous, par le biais de projets plus poussés comme un voyage de coopération internationale, cela permet un cheminement de foi et d’engagement à plus long terme.

L’impact de la pandémie

Cette année nous sommes 13 femmes sous le même toit dont les quatre religieuses. Les études à distance en ce temps de pandémie ont fait en sorte que des jeunes restent chez leurs parents, ou que les étudiants internationaux préfèrent rester ici sinon le décalage des fuseaux horaires complique les études. On constate sur le campus que beaucoup d’appartements sont à louer et que les résidences étudiantes sont partiellement vides, voire fermées.

Quant à la COVID-19, notre foyer se considère comme une bulle et agit en conséquence. On demande aux filles d’être prudentes avec leurs relations extérieures. Notre maison est grande, on peut recevoir, mais cela se fait avec distanciation et port du masque. Il est vrai que nous sommes une communauté plus jeune, mais on a quand même Claudette, notre enthousiaste supérieure qui a 83 ans, alors la prudence est de mise. Il y a aussi Mona, jeune animatrice de pastorale dans une école secondaire catholique, et Françoise, qui s’occupe de l’entretien, du matériel et des courses pour la maison.

Avec le confinement, les activités à dimension publique ont été un peu laissées de côté. C’est donc le projet de foyer étudiant qui a vraiment fleuri. Les filles n’ont plus d’activités extérieures alors elles sont contentes de contribuer activement à notre vie commune, qui s’enrichit dans sa dimension sociale et spirituelle. C’est une bénédiction dans notre ministère.

Cette expérience contraste avec ce qu’on entend sur l’isolement des jeunes et les soucis de santé mentale en général. On reste attentives aux jeunes de notre réseau plus large, qui n’habitent pas ici, et qui seraient fragilisés par l’isolement. On les appelle, on prend des nouvelles. On a développé quelques activités de partage et de prière en ligne et on est heureuses de les voir se joindre à nous à l’occasion. Le plus gros défi, actuellement, pour les étudiants et travailleurs, c’est l’école ou le travail en ligne. Cela est astreignant et particulièrement fatigant. Il y a un ras-le-bol.

Chaque année, en général, nous offrons deux voyages dits humanitaires ou de coopération en République dominicaine, ainsi qu’un voyage à Taizé. À la fin de mars 2020 nous avons mis une croix sur ces projets vu la situation. C’était particulièrement triste pour les deux cohortes de la République dominicaine, car les jeunes se formaient depuis septembre 2019, trouvaient du financement et apprenaient l’espagnol. Nous espérons maintenant partir en mai et en juillet 2021, dans la mesure où nous pourrions être vaccinés à temps. Entre temps, les jeunes continuent leur apprentissage de l’espagnol.

La majorité des participants des groupes de 2020 pourront s’engager en 2021. Ils découvriront ainsi notre partenaire de développement local en République Dominicaine, à San José de Ocoa, une œuvre fondée par un missionnaire de Scarboro. Ils côtoieront des gens dans la campagne dominicaine et contribueront à un projet comme une construction de maison, d’école ou de latrines, ou encore feront du reboisement. Pour le voyage à Taizé, cela irait sans doute en 2022.

Vers une pastorale hybride ?

L’avenir de la mission et de la pastorale sera-t-elle un retour au présentiel ou une approche hybride avec le virtuel ? Je crois que quand la COVID-19 sera « finie », il nous faudra travailler pour rebâtir la dimension communautaire. Avec le virtuel, on a beaucoup appris et on a pris des habitudes. C’est plus facile quand on économise du temps de déplacement. C’est facile aussi de faire plusieurs choses en même temps, comme suivre un cours tout en cuisinant. Cependant, il y a une disponibilité et une vulnérabilité dans le présentiel qui est difficile à imiter en vidéoconférence. Je crois que le présentiel devra être revalorisé. On verra, car on ne saisit peut-être pas encore tous les enjeux puisqu’on a les deux pieds dedans. Au final, pourtant, cette présence réelle et incarnée auprès des autres, qu’il s’agisse des personnes pauvres en République dominicaine ou de mes soeurs et de mes étudiantes à la maison, c’est le coeur de notre mission chrétienne.

Soeur Marie-Pierre Delorme, SSMN

Ce texte est extrait du webzine ad vitam de l’automne 2020 « L’espérance au temps de la pandémie ».