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13 octobre 2017

Message du Conseil Église et Société de l’AECQ sur l’accueil des réfugiés

En mai dernier, le président des États-Unis en exercice, a menacé de mettre fin à un Programme de protection de statut temporaire pour près de 60 000 haïtiens résidant aux États-Unis. Ce programme avait été mis en place en 2010 suite au séisme qui avait dévasté Haïti faisant 200 000 morts. Considérant que la situation serait devenue sécuritaire dans ce pays, la décision a été prise de mettre fin au pro-gramme. Devant la menace d’être refoulés dans leur pays d’origine, des milliers d’haïtiens ont donc décidé de fuir les États-Unis pour venir demander asile au Canada. En juin 2017, les statistiques chiffraient à 6 500 le nombre de personnes ayant demandé l’asile politique au pays en comparaison de 5 500 pour l’année 2016. Les services fédéraux prévoient que les demandes d’asile augmenteront du double d’ici la fin de l’année pour dépasser 12 000.

L’arrivée massive de ces réfugiés, fuyant en catastrophe les États-Unis, a suscité plusieurs réactions au pays et particulièrement au Québec. La première réaction a été la stupéfaction devant une telle décision politique de notre voisin du sud menaçant la sécurité des milliers d’haïtiens visés par cette mesure. On a ensuite vu s’amorcer la mobilisation de plusieurs organisations civiles et gouvernementales pour mettre en place des mécanismes d’accueil, d’hébergement, d’intégration scolaire et d’accès à l’emploi pour les personnes et familles demandeuses d’asile. Toutefois, cette arrivée subite de réfugiés, jugés « irréguliers », s’ajoutant au climat d’insécurité à l’échelle mondiale, n’a pas été sans provoquer des inquiétudes chez une bonne partie de la population. Les affrontements qui ont eu lieu récemment entre divers groupes de manifestants dans la Ville de Québec ou ailleurs dans la province sont les signes éloquents d’une tension sociale grandis-sante face à l’immigration.

Une réflexion collective s’impose donc de toute urgence afin de trouver une issue pacifique et généreuse à cette situation en envisageant l’avenir et ses promesses avec confiance. Pour faciliter un discernement, il n’est pas inutile de rappeler quelques faits. L’actualité récente a démontré que nos institutions ont mis en place des mécanismes d’accueil et de contrôle de l’immigration auxquels nous pouvons faire confiance. Par ailleurs, il est rassurant de constater que de nombreux groupes de la société civile y apportent leur concours en initiant eux-mêmes des services d’aide et d’intégration. Cette mobilisation, somme toute rapide, de notre communauté démontre qu’au cours des années nous avons su développer une culture et une expertise en matière d’accueil et d’intégration des personnes et familles immigrantes, particulièrement envers les réfugiés. Rappelons-nous l’accueil réservé aux chiliens dans les années 1970, durant la dictature du général Pinochet, puis celui fait aux « boat peoples » quelques années plus tard durant les guerres civiles au Vietnam et au Cambodge. Nous avons ensuite vécu l’arrivée des vagues de réfugiés en provenance de l’Afrique, du Moyen-Orient (Irak, Iran, Liban, etc.), d’Haïti en 2010 et plus récemment de Syrie.

Déjà en 2006, dans leur lettre pastorale intitulée « Car nous ne sommes devant toi que des étrangers et des hôtes », les évêques catholiques du Canada nous proposaient quelques pistes concernant l’immigration et l’accueil des réfugiés. Dans ce texte, les évêques nous rappelaient que la vulnérabilité et la précarité auxquelles tout humain doit faire face au long de sa vie devraient nous inspirer « à porter une attention particulière à la réalité des migrants et à se solidariser avec eux »1.

Cette lettre dont, le contenu est toujours actuel, précisait que les pays doivent veiller à ce que les droits des réfugiés soient assurés et respectés « autant que les droits de leurs propres citoyens »2. Exprimant leur gratitude face aux communautés chrétiennes engagées dans l’accueil des réfugiés depuis des dizaines d’années, les évêques canadiens soulignaient en retour la contribution exceptionnelle de ces derniers dans le renouvellement de notre Église. Finalement, ce message épiscopal nous invite encore aujourd’hui à changer notre regard sur les réfugiés qu’on rend responsables d’une situation beaucoup plus urgente et préoccupante : « Les chrétiennes et les chrétiens devraient être à l’avant-garde des campagnes internationales visant à promouvoir un développement international juste, à radier les dettes accablantes, à instituer des accords de libre-échange équitables et à éliminer la pauvreté infantile… À moins de s’attaquer aux causes profondes des migrations que sont la violence, la dégradation de l’environnement et l’inégalité sociale, de plus en plus de gens se verront contraints de se déplacer »3.

Cette lettre pastorale trouve écho dans une lettre plus récente publiée par les évêques catholiques d’Allemagne devant la « marée » de réfugiés qui a débordé les frontières du pays suite à la guerre civile en Syrie Les évêques y affirment entre autres que : « La xénophobie et le racisme sont incompatibles avec la perception chrétienne de l’humanité… Les intérêts des personnes défavorisées dans notre société et les besoins des réfugiés et des demandeurs d’asile ne doivent pas être jugés les uns contre les autres…parce que nous sommes préoccupés par le bien-être de toute la société »4.

Nous avons conscience que l’accueil des réfugiés devient une tâche de plus en plus permanente dans notre société. Il devient donc impératif que les chrétiennes et chrétiens s’engagent de façon concertée avec les autres acteurs sociaux afin de faire face à ce nouveau défi, non pas avec un esprit défaitiste et alarmiste mais plutôt confiants que cette situation constitue une chance pour que la sagesse et la justice divine soient manifestées en ce monde.

1 Car nous ne sommes devant toi que des étrangers et des hôtes, Lettre pastorale concernant l’immigration et la protection des réfugiés, Commission épiscopale des affaires sociales, Conférence des évêques catholiques du Canada, Le 15 janvier 2006 Journée mondiale du migrant et du réfugié.
2 Idem
3 Idem
4 Lignes directrices pour l’engagement de l’Église catholique allemande envers les réfugiés, Assemblée des évêques catholiques d’Allemagne, 8 février 2016 (Traduction non officielle de l’original en anglais).

Membres du conseil Église et Société

  • Mgr Denis Grondin, archevêque de Rimouski
  • Mgr Claude Hamelin, évêque auxiliaire à Saint-Jean-Longueuil
  • Mgr Pierre Morissette, évêque de Saint-Jérôme
  • Mgr Marc Pelchat, évêque auxiliaire à Québec
  • Mgr Noël Simard, évêque de Valleyfield
  • Soeur Élisa Fernandez, SFA (Sœur de Saint-François d’Assise)
  • M. Norman Lévesque, directeur du Réseau des Églises Vertes
  • Mme Louise Cormier, secrétaire

Sourcehttp://www.eveques.qc.ca/fr/news-item/message-du-conseil-eglise-et-societe-sur-l-accueil-des-refugies