Dans sa lettre adressée aux jeunes, Christus vivit (CV) n° 35, le pape François invite l’Église à se laisser renouveler. Et cette rénovation ecclésiale n’est pas sans toucher le renouvellement des instituts de vie consacrée. Parmi les considérations possibles sur ce sujet, une question se pose à beaucoup d’entre nous. En ces temps de passage qu’ont à vivre nos communautés, quel espace donnons-nous à la parole et à l’action des plus jeunes dans les dépassements à faire pour entrer dans une « nouvelle » jeunesse ?
Cette question nous amène préalablement à une précision quant au terme « jeune ». Être jeune, souligne de pape François, est un état d’esprit avant d’être un âge (CV n° 34). Parler de « jeunes », c’est reconnaître ceux et celles qui portent une vision, qui sont capables d’interpeller la communauté et de s’engager sur un chemin dont le tracé ne peut se faire qu’en marchant.
Une communauté qui s’interroge
Ceci étant dit, croyons-nous que, dans le processus de passage qui est le nôtre actuellement, nous puissions cheminer vers un renouvellement de l’institut ? Bien sûr, plusieurs facteurs extérieurs et internes contribuent à la situation de décroissance que nous connaissons. Par ailleurs, répondre à cette interrogation demande de nous positionner par rapport à notre gestion de la décroissance et à l’ouverture ou non vers une régénération possible… Dans quel esprit vivons-nous ce passage ?
Qu’en est-il de ce passage vers un avenir encore ouvert ? Comment l’envisager ? Le passage est une étape de transition au cours de laquelle la communauté doit accepter de voir lucidement sa réalité, sans la nier, apprendre à lire son comportement face à cette même réalité, écouter les voix discordantes s’opposant à une culture d’entretien et agir face à l’enlisement de fin de vie. Quand il n’y a plus personne ayant la capacité de réagir, soit ! Mais lorsque des voix se font encore entendre pour penser et oser autrement la mission et/ou le vivre ensemble, bénissons le Seigneur et accueillons le Souffle de son Esprit !
Si de telles personnes se trouvent dans nos instituts, un premier pas n’est-il pas de les reconnaître et de les écouter ? De les rassembler plutôt que de les disperser ? Pouvons-nous dépasser le « raisonnable » pour entendre ces voix qui crient dans le désert leur espérance, qui proposent des façons plus adaptées de vivre la mission, qui demandent à ce qu’on accueille les personnes désireuses de cheminer avec nous ?
Une communauté qui entend
Entendre implique donc de prêter l’oreille sans nous fermer, de laisser tomber les murs de la défensive et de nous convertir. Entendre nous engage à refuser de nous enfoncer dans des structures de rigidité mentale (CV n° 65) qui empêchent d’écouter, qui ne permettent pas qu’on interpelle et qui finalement mènent la communauté à devenir un musée (CV n° 41).
Entendre est un acte de foi. C’est croire que rien n’est impossible à Dieu (Lc 1, 37). L’état actuel de nos instituts peut brouiller notre écoute, bloquer notre vision d’un avenir possible, nous conduire à une forme de démission et nous installer dans un statu quo satisfaisant. La foi dérange et oblige à sortir ! Elle ouvre à l’espérance et met en marche vers un ailleurs, autre que celui que nous avons connu. Elle tend l’oreille, les yeux et le cœur. Pas de fuite possible. La foi laisse émerger les questions dans leur nouveauté.
Croyons-nous que la communauté peut se renouveler ? Acceptons-nous de reconnaître au milieu de nous des « porteurs [et porteuses] de promesse » (CV n° 44) qui ne veulent pas se laisser paralyser par la peur de risquer du fait que tout n’apparaît pas clair, ni assuré d’avance ? Osons-nous leur faire confiance, croire en leurs capacités d’être disponibles au changement en acte, de se relever, de se laisser instruire par la vie (CV n° 13) et ne pas leur dérober l’espérance (CV n° 15) ?
Une communauté qui ose
Entendre, croire et faire de la place aux jeunes et aux moins jeunes qui portent un appel à s’investir dans le renouveau de l’institut, voilà qui nous pousse à marcher ensemble sur la route d’un avenir incertain, rempli d’embûches mais porteur de promesses. C’est notre responsabilité ! Peu importe l’issue de notre marche, nous avons à nous laisser déstabiliser et éclairer par la parole des uns et des autres et par la parole de Dieu. Nous avons à écouter et à nous rendre disponibles à l’inattendu de l’Esprit qui souffle où il veut. « C’est toi que j’établis guetteur de la maison d’Israël » (Ez 33,7) interpelle l’Esprit ! Dans la mouvance de notre réponse, il nous appartient d’être clairvoyants à trouver la petite flamme qui continue de brûler et donne la capacité de trouver des chemins là où d’autres ne voient que des murailles. Il nous revient de développer l’habileté à discerner des possibilités là où d’autres ne voient que des dangers (CV n° 67).
Faire confiance à l’Esprit, c’est reconnaître que nous sommes toujours « en travail d’enfantement » (Rm 8, 22). Même dans le dénuement et à un âge avancé, la sagesse des anciens doit appeler la jeunesse de ceux et celles qui ont le courage de s’exprimer pour ouvrir des horizons nouveaux en retournant aux sources de l’institut. Les autorités de l’institut ont le devoir de faciliter la parole et d’encourager la créativité en vue d’annoncer l’Évangile dans des espaces inédits, dans l’accueil et le respect des cultures. Ensemble, il nous faut créer des proximités nouvelles dans un dialogue et un témoignage de fraternité renouvelé. Enfin, rappelons-le, la formation est un incontournable pour former des disciples missionnaires, en sortie, capables de repenser la communauté dans une logique de communion intergénérationnelle et interculturelle, au cœur du charisme de l’institut.
Conclusion
La confiance en la parole des plus jeunes est essentielle. Ils sont l’aujourd’hui de Dieu (CV n° 63). Ils sont « mission » au cœur de la communauté, comme nous-mêmes sommes « mission » jusqu’à notre dernier jour. Ainsi, puissions-nous être, pour notre monde, des guetteurs de l’aurore, des prophètes d’avenir, des semeurs d’espérance.
Gaétane Guillemette, NDPS
Ce texte est extrait du webzine ad vitam de l’hiver 2020 « Une communion qui engendre la mission ».